Jour 4 - 17 km / 355 m +
La nuit a été bonne. L’avantage d’être plusieurs, c’est que chacun garde un
œil sur les chevaux quand il va se soulager (et dieu sait qu’un ancien se
soulage souvent la nuit). Je n’ai pas
besoin de tendre l’oreille en permanence, si bien que je dors presque comme un
bébé. Bandit a rapidement compris comment se dépatouiller avec sa longue corde.
Quartz quant à lui, n’hésite plus à se rouler ou à se coucher avec ses 10 mètres
de lien. Les formalités matinales se passent sans encombre. Chacun trouve sa
place assez rapidement même si les esprits s’échauffent vite pour de petites
broutilles (on est une famille de mules et d’ânes aussi têtus les uns que les
autres). Les charges sont repassées au peson et nous repartons pour l’inconnu,
toujours plein nord.
Le chemin serpente tantôt dans les bois tantôt dans de larges prairies où l’herbe
pousse timidement. Les chevaux boivent à la Fontaine de la Chau. Bandit ne se
fait plus prier pour boire, il a compris qu’en randonnée mieux valait manger et
siroter un coup quand il était possible de le faire. Nous arrivons à la Jasse
du Play en milieu de matinée. Les chemins deviennent plus caillouteux, mais
rien de dérangeant pour les pieds des chevaux.
Les difficultés viennent après. J’avais demandé avant de partir à une connaissance si le
GR passait à cheval. Et elle m’avait effectivement indiqué une zone de
scialets impossible à contourner. Les sites de randonnée avec des ânes, a
contrario, indiquaient le GR comme un passage régulier pour les randonneurs
sportifs qui voulaient marcher avec un compagnon à quatre pattes. Cinq sites
indiquaient ainsi le GR91 comme praticable, mais technique. Je tiens aujourd’hui
à dire que ces sites (et les professionnels qui vont avec) sont un peu
irresponsables d’envoyer des gens qui ne connaissent pas spécialement les
animaux sur ce GR. Le chemin par beau temps semble déjà compliqué, il faut
alors s’imaginer que nous l’avons passé après de grosses pluies et sous une
nouvelle averse. Les choses se compliquent en réalité après la Jasse du Play,
sur le chemin qui mène vers Tiolache du Milieu et Tiolache du Haut. Le passage
est bien technique et très scabreux. Si les chevaux restent sur le sentier en
revanche, il n’y a pas de trou à proprement parler où ils risquent d’y laisser
un sabot. Nous sommes plusieurs et j’envoie en reconnaissance mon père et mon
oncle pour s’assurer qu’il n’y a pas à un moment donné des claps ou des lapiaz.
C’est difficile, mais ça passe. Les chevaux ne semblent pas tellement se poser
de question, ils m’étonnent comme toujours et me suivent avec énergie. Ce
passage compliqué reste néanmoins court et rapide à passer.
Le chemin reprend parmi les cailloux, monte, descend, zigzague ici et là, mais
il reste potable entre Tiolache du Milieu et Tiolache du Haut. Puis vient le
Canyon des Erges. Je m’étais méfiée du nom avant de trouver le récit d’une
famille avec des enfants qui l’avaient passé avec des ânes (encore ces foutus
ânes !). Rien n’était dit spécifiquement à propos du canyon et le récit était
celui d’une randonnée un peu physique, mais sympathique. Sous le soleil et dans
le sens de la montée, il est possible que ce canyon soit agréable à traverser.
Dans le sens de la descente et sous la pluie, il m’a paru moins poétique. Le
chemin commence gentiment, le sol est souple, la descente régulière et en
pente douce. Après le passage technique du matin, je me dis que le reste de la
journée va être une partie de plaisir. C’était sans compter sur les blocs, les
roches, les marches de calcaire et autres obstacles à franchir sur des cailloux
glissants. Aucun passage spécifiquement dangereux ou très difficile à franchir,
mais c’est l’accumulation de ces petits obstacles les uns à la suite des autres
qui use et fatigue le moral : 2 km de pierrailles traîtresses sans repos ni
moment simple. On s’arrête à 14h00 au Pot du Play. On a perdu pas mal de temps
avec ces passages casse-gueule, mais il devient temps de manger et de se
reposer. Étrangement, les humains semblent beaucoup plus fatigués que les
chevaux. Je vérifie l’état des pieds, mais à part quelques éclats en paroi, les
pieds sont nickel. Quartz s’est frotté le glome d’un postérieur et s’est
arraché le périople à cet endroit, mais c’est superficiel. Bandit n’a
strictement rien (mais il ne portait pas le bât non plus). On se jette donc sur
l’herbe pour profiter du soleil qui passe nous voir rapidement. Après tant
d’effort, je fous les chevaux à poil pour la pause, ils l’ont bien mérité.
La suite est, fort heureusement, beaucoup plus paisible jusqu’à la cabane de Carrette. Il n’y a pas de source à proximité immédiate, mais on n’en peut plus et on décide de dormir au chaud, au sec et à l’abri pour une fois. Nous sommes les premiers arrivés et nous nous étalons donc partout. On espère même un moment être les seuls, mais nous finirons par accueillir quatre autres randonneurs, le dernier étant arrivé à 21h00 (il voulait faire la traversée du Vercors en deux jours et espérait rentrer le lendemain soir à Lyon... mhh). Le temps de préparer le couchage, je prends la direction de la source un peu après la Porte Barnier avec les chevaux. Nous faisons tout juste 300 mètres avant de tomber sur une grande flaque d’eau propre où ils se désaltèrent longuement. Les chevaux ont bu, certes, mais les humains ont soif (et nous n’avons plus de bière Dodo). Je prends un sac à dos, toutes les gourdes, et décide de trouver cette fameuse source pour jouer les Causettes. Manque de bol je me prends un nouvel orage sur le coin du nez et ne trouve pas d’eau à ladite source, qui est en réalité une grotte accessible après quelques pas d’escalade simples. Nous disposons donc de 3 litres pour quatre personnes pour le repas du soir et le petit déjeuner. On ne mourra pas de faim, mais on aura un peu soif tout de même. Tous les autres randonneurs sont dans le même cas, pire même je dirai, car certains d’entre eux ont moins d’un litre pour continuer le lendemain jusqu’à la prochaine source qui se trouve à quinze bornes. Nous le prochain point d’eau, c’est Corrençon à 5 km. C’est le jeu des Hauts Plateaux, les orages n’auront pas fait déborder toutes les nappes phréatiques, on n’en est pas morts pour autant.
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