Traversée des Alpes (Nouvelles)

Partie 1 - Les Alpes du Sud à pieds

La chaleur écrasante de la vallée du Drac me rappelle pourquoi je suis partie au milieu des montagnes au début de l’été.

Je suis rentrée le 25 juillet après trois semaines de marche, de Menton à Vif. Un beau parcours de quelque 443 km et d’un peu plus de 32 000 m de dénivelée positive. En soi, ces chiffres ne veulent pas dire grand-chose. Ils permettent d’estimer un effort, mais ils ne disent rien du plaisir que j’ai eu à pérégriner entre les sommets, à franchir des cols, à cheminer au milieu de vallées tantôt verdoyantes, tantôt minérales.

Les Alpes du Sud m’ont offert des contrastes saisissants de couleurs et de lumières que je n’imaginais pas. Elles m’ont offert une histoire belle et triste d’un passé révolu, grignoté doucement par la forêt, où sursaute encore ici et là la mémoire des anciens au milieu des ruines de pierres. Un passé pastoral, mystique, brutal. Partout, l’homme a laissé des marques de son passage. Partout, et très récemment encore, on devine l’effort politique, idéologique, architectural, qui a voulu se servir du relief pour imposer des frontières. Comme un chien qui lève la patte, l’homme a marqué son territoire : bunkers, forts, baraquements, bornes, postes de douane. Ici et là, au plus près de la frontière avec l’Italie, des vêtements, des sacs, des chaussures abandonnés à la va-vite et laissés au bord du chemin…

Les limites, les lignes sur les cartes, il y en a quelques-uns qui s’en moquent, qui sautent de rocher en rocher pour grappiller quelques brins d’herbe, qui planent au-dessus des nuages et des sommets, qui franchissent les cols et les rivières pour prendre leur prochain repas. Bouquetins, marmottes, vautours, aigles, chamois, papillons. Autant d’habitants qui ne se préoccupent guère des querelles humaines et qui m’ont enchantée entre deux respirations haletantes, entre deux coups de bâtons, entre deux « Nom de Gu, ce que c’est raide ». La fatigue et l’effort disparaissaient alors, perdaient leur sens. Il n’existait plus qu’un petit morceau de présent, ponctué d’un sifflement, de la cavalcade effrénée de sabots en fuite, du regard étonné et surpris de celle qui n’a pas eu le temps de rentrer à l’abri.

Il y a tant à dire, et si peu de temps pour l’écrire (pour le moment). Je vous laisse quelques photos, quelques clichés volés au passage d’un col, au bord d’un lac, d’un ruisseau, ou à côté de marmottes grassouillettes que plus rien n’effarouche. Pour l’heure il me reste encore des préparatifs à achever pour poursuivre mon voyage.