Orage, Ô désespoir !


Il pleut. Il y a du brouillard. Depuis 8 jours... Nous sommes le 14 juillet. Je suis en montagne depuis un mois. Vive l’été ! 

Le col de l’Arc et le Pic Saint Michel ont disparu derrière un épais voile brumeux. Je ne distingue plus la totalité du troupeau. De temps en temps une cloche, un bêlement, me rappelle où se trouvent les brebis invisibles. Je suis engoncée sous plusieurs couches de vêtements, un imperméable épais et un pantalon de pluie. Des sacs plastiques font un rempart fragile contre l’inondation de mes chaussettes. Mes chaussures ont depuis longtemps pris l’eau et les multiples tentatives pour les faire sécher ont échoué. Un amoncellement de boulettes de papier journal humides m’accueille à l’entrée de la cabane ; essais dérisoires pour absorber le trop-plein d’humidité de mes semelles. Mon maigre réconfort se trouve tous les soirs devant le poêle, dans la cabane. Les flammes lèchent la vitre goulûment, dévorent les bûchettes détrempées, libèrent une fumée grisâtre qui se perd dans la brume et me réchauffent les pieds. Tous les supports horizontaux se transforment temporairement en étendages. Les imperméables, les pantalons et les chaussettes suent à grosses gouttes l’eau imbibée pendant la journée. Devant le feu les vêtements sèchent en dégageant une vapeur épaisse, souvenir de la pluie qui tambourine contre les vitres. 


Sous la pluie


Huit jours. Tout est terne et grisâtre, même les brebis, dont la laine s’alourdit de jour en jour. Elles mangent le dos courbé, les oreilles basses. Lorsque les averses deviennent plus violentes, elles se réfugient en groupe anarchique sous le premier arbre venu. Une chaise musicale improbable s’esquisse entre deux ondées. 

Un mal étrange frappe deux agneaux. Le froid et l’humidité les emportent outre-tombe malgré mes efforts pour les maintenir parmi nous. Les couvertures n’auront pas suffi à les réchauffer. Comme chaque fois, je vois leurs paupières se fermer doucement, battre difficilement. Leur souffle ralentit, les lèvres et les muqueuses blanchissent, leur regard devient vide. Rien de bon. L’organisme ralentit doucement puis cesse de fonctionner. Ils meurent dans la nuit.

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Juillet : 17 jours de pluie sur 31. Soit plus d’un jour de pluie sur deux. Les soirs d’orage, sous la grêle, je me demande quelques fois ce que je fais là. Puis je repense aux longues heures d’ennui dans les bureaux, devant un écran aveuglant et abrutissant. Décidément, je préfère encore être mouillée !

Avec la pluie et le brouillard, le temps semble s’arrêter. On aimerait bien rentrer, que ce soit l’heure de parquer les bêtes pour aller se sécher et dormir. Mais les minutes s’écoulent moins vite que la pluie sous mes vêtements. 


Brebis sous la pluie






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