Le Connexe

Samedi 11 mai

18 km / 1900 m + / 5h30

Les préparatifs ont été courts. Hier encore je n’étais pas sûre de partir. Quartz et Kayenne quittent leur pré d’un bon pas. Le vent découvre le ciel de ses nuages, mais les sommets proches conservent une lourde chape blanche sur leur front abrupt. Les quelques aménagements réalisés sur mon matériel s’avèrent efficaces. Je prépare et charge les chevaux en une petite vingtaine de minutes. Le tout tiendra très bien durant le trajet.

Les premiers pas, que je crains mous et rétifs, se muent très rapidement en une foulée ample et dynamique. Les chevaux sont heureux de partir... Nous empruntons depuis la ferme un chemin qui longe la voie ferrée reliant Grenoble au Trièves. Une première descente difficile et glissante met les chevaux dans le bain. Pieds nus, ils serpentent aisément dans la pente pour gagner un court morceau de route jusqu’à Saint Georges de Commiers.

La montée commence, brutale et caillouteuse, puis douce et couverte d’humus. Quartz et Kayenne mettent une petite heure à s’accorder sur un rythme commun. Sous le hameau des Chauvets où glougloute une rivière bondissante, un passage technique me révèle toute la souplesse et l’habileté de mes deux compagnons. Quel plaisir de les voir travailler avec tant de volonté. Au cours de cette randonnée, ils ne rechigneront jamais à la tâche, braves amis !

Quartz et Kayenne, en cheminEntrecoupé de quelques pauses herbeuses, le chemin continue d’enlacer les flancs du Connexe. Nous traversons le versant ouest sur une piste forestière pour rejoindre un chemin pédestre ombragé. Les aiguilles des résineux filtrent une lumière chaude qui danse sur le sol et les troncs au rythme du vent. Peu après midi, nous nous arrêtons. Puis une sieste s’impose, à l’initiative des chevaux. Je ne me fais pas prier.

Quartz et Kayenne, en cheminJe profite des journées plus longues pour prendre mon temps. J’ai prévu d’arriver à 17h30 au chalet du berger, sur la crête. Quartz et Kayenne semblent partager mon avis, alors nous ne nous remettons en route qu’à 14h30. Je remonte néanmoins rapidement sur Quartz dont le pas dépasse ma foulée de bipède. Je constate avec étonnement comme leur rythme a changé depuis notre randonnée en Chartreuse. Ils sont pleins d’entrain et m’enchantent à chaque kilomètre parcouru.

Nous arrivons au croisement qui relie les flancs forestiers aux crêtes pastorales. Une montée sans aucune difficulté technique, agréable au pied, mais « Dré dans le pentu ! ». Nous arrivons au sommet, dans un brouillard épais et froid. Le vent nous fouette le visage. Les chevaux marchent quelques fois en crabe pour se dérober à la morsure de la bise.

La Peyrouse, le sommet, est invisible. Les variations du terrain sont traîtres. Le sol, profond, est encore parsemé de névés printaniers. Les chevaux peinent à suivre l’irrégularité des drailles bovines, s’enfoncent et piétinent. Au grand lac, malmenée par les bourrasques, je prends tout de même le temps de laisser boire les chevaux. Mes deux dromadaires trempent les lèvres dans l’eau glacée, jouent un peu, puis nous repartons.

Arrivée avec une moue de déception. La vue imprenable à laquelle je m’attendais disparaît derrière de lourds nuages. Mais ma bonne étoile me livre un parc de contention pour les chevaux, et un coin herbeux pour la tente, à l’abri du vent. Le couvercle gris se soulève progressivement au-dessus de nos têtes. Plus bas, les lacs reflètent vaillamment quelques rares rayons de soleil. Le silence domine.

L’obscurité étend progressivement son voile dans la plaine. Les montagnes dressent leur tête chauve pour grappiller les derniers rais de lumière tandis que les flammes font frémir l’eau pour le riz. Je retrouve ma moitié avec plaisir pour la soirée. Nous mangeons avec la vue plongeante sur l’Alpe du grand Serre. Puis la nuit nous voile la vue et nous regagnons la tente pour une nuit de repos bien méritée.

Vue sur le plateau de la Mure

Connexe

Plateau de la Mure


Dimanche 12 mai

18 km / 1900 m - / 4h30

Réveil glacial. La pluie fouette la tente. J’entrouvre la porte pour voir les chevaux, mais le brouillard nous enveloppe. Misère ! Je retourne me rouler en boule dans mon duvet. Un sommeil intermittent me bouscule jusqu’à 8h00. Cette fois je sors, emmaillotée dans ma veste, perdue sous mon poncho.

Les chevaux tremblent. Ils viennent vers moi sans demander leurs restes. Quel temps de merde ! La pluie se mue en grésil. Les Saints de Glace sont pleins de hardiesse cette année, les gaillards. Je ramène les chevaux à l’abri de la cabane du berger pour les soustraire aux rafales. Je prends un petit déjeuner rapide et frugal. Il neige dans mon café...

Après avoir attendu quelque temps que la météo se calme, je décide de partir. Il n’y aura pas d’accalmie. Les chevaux, violentés par les bourrasques ont un pas brutal que je peine à suivre. Nous regagnons rapidement le couvert forestier pour nous abriter du vent jusqu’à la cabane des chasseurs du col de Lachal... accueillis par un groupe blafard aux paupières alourdies. Des basses énormes grondent et sursautent au milieu de nulle part. Vive le silence de la forêt ! Les chevaux semblent aussi surpris que moi.

Nous fuyons le plus vite possible les lieux pour emprunter le sentier balisé qui rejoint le hameau des Chauvets. Nous quittons rapidement ce chemin, boueux et glissant, très abrupt et irrégulier pour regagner un chemin forestier qui serpente plus doucement le long du versant. 

Nous arrivons à l’heure du repas à la ferme, sans pause ni répits, pressés de retrouver la chaleur d’un foyer familier. 

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