Jour 5 : Saint Pierre d'Alvey - L'Hodié


Nous battons des records en préparation : départ dans le brouillard à 8h45. Toute la petite famille chez qui j’ai dormi part au travail. Sous le mauvais temps, je trouve un peu de réconfort, je n’ai pas de contraintes horaires à respecter ni de patron à satisfaire. Ni Dieu ni maître. Les chevaux gardent leur pas actif toute la matinée. Nous avançons bien malgré un détour sur une colline où les chemins ont été grignotés par les dents d’une charrue. Il me faut faire un détour par la route. Je rencontre un ancien, un vieux de la vieille, qui m’accueille avec un sourire chaleureux et des yeux pétillants de joie. Il me demande où je vais, d’où je viens et tout un tas d’autres questions sur ma randonnée. Puis il m’explique où passer pour prendre le meilleur chemin jusqu’à la montagne de l’Épine. Ça tombe bien, c’est celui dessiné sur ma carte. Il se perd ensuite dans les souvenirs de ses allers et retours pour aller chercher du bois sur les versants de l’Épine avec des bœufs. Ses yeux deviennent rêveurs et je le devine perdu dans un autre temps.

Nous atteignons rapidement les Granges, prémices de la montée. Les chevaux battent un record de vitesse pour leurs courtes pattes. 45 minutes pour réaliser 2,5 km et gravir plus de 400 m de dénivelée. Les chemins ne sont pas très bons, mais les chevaux savent de mieux en mieux où poser leurs pieds. Je perds mon carnet de notes dans la montée. Deux jours avant j’ai abandonné mon stick sur un talus... Mon inconscient fait progressivement le tri de l’essentiel dans mon matériel. Quartz et Kayenne font souvent des pauses. Ils soufflent, ils piétinent, mais nous arrivons au bout.

Nous débouchons sur une piste, puis sur une route forestière. Les chevaux accélèrent encore un peu leur rythme, mais Quartz fait le mou dès que je lui grimpe sur le dos. À midi je décharge quelque peu ses sacoches et comble celles de Kayenne qui se vident jour après jour de leurs vivres. Nous nous arrêtons près d’une cabane sommaire au bord de la route pour nous abriter en cas de nouveau déluge. Mais le ciel sera un peu plus clément et nous n’aurons droit qu’à la brume.


Kayenne et Quartz sur un chemin pierreuxQuartz et Kayenne


Après quelques nouveaux détours et un petit bout de goudron, nous parvenons au col de l’Épine. J’avais prévu de dormir dans un bout de cabane à côté d’un petit bassin, mais la journée du lendemain s’annonce très longue et rude en dénivelée. Je prends donc la décision de continuer plus avant et de descendre jusqu’à Vimines, de l’autre côté de la montagne. Nous continuons jusqu’au col du Crucifix où nous croisons un groupe de promeneurs égaré qui vient vers moi jeter un œil à ma carte. Ils arrivent du lac d’Aiguebelette, mais ne trouvent plus le balisage approprié pour descendre par un autre chemin.

Puis nous entamons la descente sur l’autre versant. Le panneau indique « voie romaine ». Je suppose qu’il s’agit d’une appellation historique et m’engage sans trop me soucier de ce que je vais trouver. Mais déjà les premiers mètres s’enchaînent entre de larges dalles pavées de mauvaises intentions. Les chevaux ripent et
glissent tout le long de la descente. Avec prudence et lenteur, nous cheminons en zigzag dans ce mauvais sentier.

Je souffle une fois arrivée en bas. Les chevaux soupirent également puis se jettent sur le premier brin d’herbe venu. Je croise un petit homme venu cueillir des champignons, « mais pour de vrai, c’est pour être dans la nature, par ici je sais bien qu’il n’y a pas de champignons ». Il me pose également plein de questions sur mon parcours. Salutations réciproques, nous nous quittons en nous souhaitant mutuellement une bonne balade.

Deux cents mètres plus loin, les difficultés de fin d’après-midi continuent. Il est 17h00, un tronc est couché de tout son long au travers du chemin. Il va me falloir couper plusieurs branches pour me faufiler de l’autre côté avec les chevaux. Sans couper cependant les branches qui permettent au tronc de rester en équilibre au-dessus du sentier. Sinon le tronc prendra toute la largeur du passage avec ses vastes rameaux et il nous faudra faire demi-tour. Le jeu du mikado débute. Ma scie pliante se révélera d’une extrême efficacité et en 10 minutes nous serons sortis d’affaires.

Plus bas je trouverai de l’eau pour les chevaux et un grand pré accueillant au-dessus du hameau de l’Hodié. Je ne réfléchis pas plus longtemps. Je suis fatiguée, les chevaux aussi, Quartz refuse d’avancer plus sur les cailloux pour la journée. Une vieille grange abritera mes affaires et celles des chevaux. J’installe la tente à l’abri des regards et les chevaux sont attachés au pieu avec entrave et longue corde. Loin de tout et de tout le monde, je passerai la nuit la plus reposante de la randonnée dans ce petit coin perdu au pied des montagnes.

Col de l'EpineQuartz et Kayenne sur la voie romaine
 Quartz dans un chemin scabreuxPrairies
Bivouac du soir


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