Un petit tour en Queyras


Avec Ricou, l’hiver, on n’aime pas s’ennuyer, et quand on arrive à se retrouver au détour de quelques jours volés sur nos emplois du temps respectif, on va se frotter aux versants enneigés. Cette fois on a voulu partir plus léger. Le défi était de n’emmener aucune tente, tout au plus un tarp et de dormir en igloo ou à la belle étoile. Au pire dans une cabane, si le temps devenait trop mauvais. Tout cela en raquettes, au départ de Chateau-Queyras.


Au début on devait faire le tour complet du massif, passer sous le Pic de Caramantran, le col Agnel, le Pain de Sucre et redescendre par la vallée du Guil. Ça, c’était au début...


La neige s’est encore fait attendre cette année. En décembre les petites stations de ski de basse altitude ont rouvert leurs pistes aux VTTs. C’est une des raisons qui nous poussent à partir sur des versants dont la moyenne est supérieure à 1 500 m d’altitude. Mais après des prévisions prometteuses (grand froid, -15 °C la nuit, neige avant le départ, etc.), on se retrouve finalement à partir avec des conditions printanières. Bon gré mal gré, c’est ainsi que nous serrons les sangles de nos sacs à dos en début d’après-midi au pied de Château-Queyras pour gravir une première pente raide dans une neige molle et collante (j’entends encore d’ici les « Mais put** de bord*l » de mon cher compagnon de route qui fait la trace). Nous visons le sommet Buchet que vantent les blogs de randonneurs amateurs. J’évite en général les zones « vantées » parce qu’elles sont souvent noires de monde et saccagées par les touristes. Heureusement l’hiver freine les velléités des familles et des groupes de tamalou venus découvrir la montagne. Si bien qu’on ne croise personne ce premier jour. La vue au sommet permet de tourner sur soi-même sans rencontrer d’obstacle. Trois cent soixante degrés de montagnes sous le nez. C’est à couper le souffle. Mais on se gèle les meules et après une montée longuette, on redescend dans un vallon pour creuser un igloo. À l’abri du vent et des regards indiscrets. J’ai appris à faire des igloos de façon traditionnelle. On creuse des blocs de glace qu’on monte ensuite les uns sur les autres. Éric quant à lui préfère la méthode « motte de neige » qu’on tasse et dans laquelle on creuse ensuite une cavité. Je finis par me laisser convaincre, mais, dans un cas comme dans l’autre, il faut pas mal de temps pour construire un igloo et on finit notre construction à la nuit tombée, fatigués et trempés (surtout Ricou). 

Popote, feu (difficile à allumer ce soir) et test de cet abri insolite. On l’a fait un peu trop petit et on dort donc recroquevillé toute la nuit. C’est le jeu, mais le sommeil ne sera pas très réparateur cette fois-ci.


Queyras
Couché de soleil sur le Queyras


Dans l'iglooDans l'igloo
Fabrication de l'iglooPréparation de la popotte


Queyras

Je suis debout la première. Éric ne peut pas se lever, il est congelé, je crois. Le roi des têtes en l’air a oublié son matelas de randonnée avant de partir. En urgence il a constitué avant le départ une protection de fortune avec un matelas de sol pour la gym, des feuilles d’alu et je ne sais quel silicone pour faire tenir le tout. À l’entendre claquer des dents, le résultat n’est pas très satisfaisant.

On repart rapidement pour une grande descente sous Molines-en-Queyras. Il y a un bon paquet de kilomètres à se farcir et je presse mon acolyte pour démarrer tôt. Car je n’ai aucune idée de ce qu’on trouvera plus avant. Je compte sur la chapelle pour nous abriter la nuit. Mais on ne sait jamais. La descente est avalée sans problème. On croise les premiers randonneurs matinaux. Quelques-uns, puis des groupes, puis des fils de skieurs. Nous venons de retrouver la vallée de l’Aigue Blanche et ça grouille de monde. On abandonne les raquettes en retrouvant une piste dure, damée la nuit et gelée au petit matin. On avance quand même plus vite sans ces foutus machins aux pieds. Sous un soleil de plomb, nous remontons donc jusqu’à la chapelle de Clausis. Fermée. Ha... La dame elle a pas dit « qu’il allait y avoir de forts vents d’ouest cette nuit et du mauvais temps ? ». Advienne que pourra. C’est l’occasion pour moi de tester mon tarp (une vulgaire bâche tendue avec mes bâtons de ski et des bouts de cordelettes) et pour Éric de tenter la belle étoile en plein hiver. En attendant la nuit, on se prélasse au pied de la chapelle en contemplant les montagnes.

Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver... Le tarp claque toute la nuit au rythme des bourrasques. On dort mal. Heureusement pendant les heures d’insomnie la lune, pleine, nous dévoile ses rondeurs argentées. On se caille, mais qu’est-ce que c’est beau !



Chapelle dans le QueyrasChemin du Queyras


Tête des Toillies

Pleine lune en montagne

Au petit matin le temps est mitigé. Un message de mon père nous indique qu’on a essuyé des rafales de 80 km/h. Puis le temps se couvre. Vite, très vite. On prend le parti de monter quand même jusqu’au col de Chamoussière pour jeter un œil sur les versants nord-est. Je redoute que de grosses plaques à vent se soient formées. Et c’est le cas. Après concertation on décide de faire marche arrière. Le vent nous fouette le visage, il fait froid, et ça devient de plus en plus humide. Si bien qu’en redescendant en dessous de 2 300 m on a la pluie. Mais quelle poisse ! On n’a plus vraiment envie de continuer. Les conditions sont pourries et le risque avalanche augmente dans la journée. Il ne nous reste plus qu’à trouver un refuge pour la nuit, hors de question de dormir dehors. Sur le chemin qui redescend vers Saint-Véran les dieux de la montagne nous entendent et nous offrent un vieux corps de ferme abandonné. Grand luxe. Nuit de repos bien méritée.

Montée au col de ChamoussièreMontée au col de Chamoussière

Abri sommaireGrange pour la nuit

Le lendemain le soleil reprend ses droits et nous brûle les yeux. Une neige fraîche recouvre le sol sur une dizaine de centimètres. Décision est prise de rejoindre Saint-Véran puis de faire du stop jusqu’aux voitures pour mettre un point final à cette randonnée. Au village nous rencontrons un curieux vendeur de produits locaux à la langue bien pendue. Comme tout effort mérite du réconfort, on s’offre quelques victuailles (et quelques kilos en plus à porter) et une petite visite dans les rues de la plus haute commune de France. Nous prenons la route pour tendre le pouce à la sortie de Saint-Véran. Après quelques échecs nous finissons par nous engouffrer dans une voiture qui nous ramène jusqu’à Ville-Vieille. Encore un ou deux kilomètres à pieds et nous pouvons enfin changer de chaussures, de pull et de vêtements et prendre un casse-croûte bien mérité. À la radio nous entendons qu’en face nord-est trois personnes ont été prises dans une avalanche. À peine 15km plus au sud de là où nous nous trouvons. On a bien fait de faire demi-tour...


Saint VéranSur la route du retour


Croix Saint Véran






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